Cet essai se propose de mettre en évidence la première exposition de la doctrine schellingienne de l’Absolu. Sans doute, vaut-il mieux la qualifier d’intuition première, puisque l’exposition proprement dite sera livrée plus tard. Comme la prime spéculation de Schelling est commandée par le projet de Fichte, l’intuition fleurit dans les conditions de l’idéalisme naissant. Il n’est pas aisé de faire la part de l’influence de la problématique fichtéenne et celle de la vision originaire.
Seront étudiées les oeuvres des années 1794-1795. A cette époque, Schelling n’avait qu’une connaissance fragmentaire de la philosophie de Fichte. Dans une certaine mesure, l’analyse permettra de dégager ce qui lui appartient en propre. Les deux traités qui intéressent particulièrement la recherche sont le Vom Ich (Du Moi comme principe de la philosophie) et les Lettres sur le dogmatisme et le criticisme. Dans le premier, l’Absolu possède une qualité ontologique et une qualité gnoséologique dont il s’agit de délimiter les rapports. L’interprétation des Lettres permet de situer plus exactement la sphère originelle de l’ontologique par delà Fichte et Spinoza (tels que compris par Schelling). Le propos n’est pas de comparer la doctrine de Schelling avec celles de Fichte et Spinoza, mais uniquement de mettre en relief et expliquer la seule doctrine de Schelling. Une philosophie est essentielle pour autant qu’elle va à l’essentiel. A un moment ou l’autre, elle commence nécessairement par soi (c’est-à-dire sans le secours des autres doctrines) même si elle peut recouper d’autres conceptions et rejoindre quelques unes dans l’Idée de la philosophie. Il est moins important de savoir si l’auteur était entièrement conscient de l’originalité de son oeuvre lorsqu’il l’écrivit que d’établir la spécificité de l’intuition. En tout état de cause, le texte d’un philosophe peut et doit être étudié pour soi. Le punctum saliens d’une philosophie est irréductible. « Un grand auteur, écrit Xavier Tilliette, représente une création de soi par soi. » L’influence n’est pas pour autant exclue, tout comme la multiple appartenance d’une oeuvre à la Philosophia perennis. La proposition peut donc être élargie avec cette parole de Görres qui pensait à lui-même et à Schelling : «Chacun est son propre produit et le produit de tout son passé. » Il arrive, et souvent, que l’on ne sache pas faire la part de la production de soi par soi. Le problème n’a pas seulement valeur particulière. Il est proprement spéculatif. Il touche à l’Impensé dans la construction philosophique. Il s’en faut de beaucoup pour que la production et le produit de la pensée soient transparents à l’auteur et l’interprète. Le texte philosophique appelle une herméneutique. « Veut-on rendre hommage à un philosophe, il faut alors le comprendre en sa pensée fondamentale, là où il n’est pas encore parvenu aux conséquences (…). La véritable pensée d’un philosophe est justement la pensée fondamentale dont il part.
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS
CHAPITRE I : L’ABSOLU COMME MOI ABSOLU
§ 1. Position historique du problème
§ 2. Problématique de l’écrit sur la possibilité d’une forme de philosophie en général
§ 3. Le Moi comme inconditionné du savoir
§ 4. Moi pur, Moi empirique
§ 5. Le Moi absolu, approche négative
§ 6. Le Moi absolu, approche positive
§ 7. Le non-Moi, approche négative
§ 8. Le non-Moi, approche positive
§ 9. Le non-Moi comme principe du dogmatisme
§ 10. Dieu ou le Moi absolu
§ 11. L’Absolu
§ 12. Que le Moi absolu est Dieu (comme Noumène)
§ 13. Critique du Dieu objectif
§ 14. Que l’Absolu est Un et Tout
§ 15. L’existence
§ 16. Pour y a-t-il quelque chose plutôt que rien?
§ 17. Le sentiment de la chute
§ 18. Raison théorétique et raison pratique
§ 19. La tâche du Moi moral
§ 20. Le Mal
§ 21. Le Devoir
§ 22. Que le Dieu objectif est aussi un schème de l’activité pratique
§ 23. Félicité empirique et félicité pure
§ 24. La liberté transcendantale
§ 25. L’Identité de l’Être et du savoir
§ 26. La circularité du savoir
§ 27. Reprise : Les lettres à Hegel de janvier et février 1795
§ 28. Esquisse du rapport du Vom Ich à la philosophie de Fichte
CHAPITRE II: L’ABSOLU COMME UNITE ORIGINELLE
§ 29. Situation historique des Lettres
§ 30. Dogmatisme et dogmaticisme
§ 31. Situation de la Critique de la raison pure
§ 32. Le Sujet-Objet
§ 33. Sujet absolu et Objet absolu
§ 34. L’Unité originelle
§ 35. L’Intuition intellectuelle
§ 36. Que l’Unité originelle est le Moi absolu
§ 37. Dieu est à réaliser
§ 38. La rupture du cercle
CONCLUSION
§ 39. De Dieu
§ 40. De la Quête
§ 41. Envoi
Bibliographie
APPENDICES
I. Oedipe roi de Sophocle selon Les Lettres sur le dogmatisme et le criticisme
II. Mystique du moi et intuition intellectuelle
ISBN: 978-973-88632-4-8