Ce livre propose, à partir du constat de difficultés importantes et de paradoxes dans la conception heideggérienne de la vérité comme décèlement (aletheia), une nouvelle interprétation du fameux « tournant » qui sera compris comme la nécessité d’une structure d’inversion réciproque des rapports fondatifs. Contre tous les replis subjectifs ou les fixations sur des subsistances illusoires, cette structure « tournante » (à la racine du cercle herméneutique) montre comment aucune vérité ne s’établit sans sortie hors de soi, sans être provoquée par ce qui la met en question et qu’ainsi, contrairement à ce que croyait Levinas, la pensée de Heidegger ne consacre pas un enfermement dans le même, mais constitue une invitation à la différence. Le philosophe de Messkirch élabore une « logique » du questionnement et l’exigence d’un étonnement impliquant une attention sans cesse renouvelée qui visent à réveiller la vocation du savoir ─ compris comme une des plus hautes formes de respect ─ bien plus qu’à s’étourdir de vaines mises en abîmes.
Cet ouvrage, bien qu’il témoigne d’une attention scolaire, ne veut pas être un commentaire destiné aux seuls spécialistes, mais constitue l’effort, à partir d’une certaine autonomie philosophique, de présenter la pensée heideggérienne à ceux qu’elle devrait intéresser, de l’arracher aux préjugés dans lesquels elle est souvent emprisonnée et d’en défendre le meilleur.
Franz-Emmanuel Schürch, PhD en philosophie de l’Université de Montréal, enseigne actuellement la philosophie au collège André-Laurendeau.