Je sursaute lorsque la porte claque. Je tressaille en voyant un rat mort sur l’escalier de notre maison de campagne. J’ouvre grands les yeux à la vue d’un arc-en-ciel derrière la vitre du train. J’écoute, le regard fixe, un ami cher au café me raconter qu’il va mourir d’un cancer du foie. S’est-il passé une journée sans que vous ne connaissiez au moins une fois cet état de trouble ? Où vous vous êtes senti soudain perplexe, ébloui, éberlué, émerveillé, sidéré ou stupéfait ? Où vous vous êtes exclamé, où vous avez explosé de joie, où vous avez hurlé de colère ?
La question à laquelle ce livre cherche une réponse est de savoir ce que la surprise fait à la philosophie. Faut-il pour construire la question de la surprise séjourner dans ces concepts qui en ouvrent la possibilité : perception, attention, émotion, sentiment. On pourrait alors s’engager dans une exploration de la surprise sur le fond de leur expérience, et ce ne serait qu’après avoir reconstitué la théorie de ces activités qu’on pourrait la voir émerger. Mais la surprise se donne-t-elle de façon seulement indirecte ? N’est-elle pas là dans les concepts d’événement, d’étonnement, d’admiration ou d’altérité que la philosophie a légués avec Heidegger, Platon, Aristote, Descartes ou Levinas ? Par eux, elle accèderait à la dignité d’un topos philosophique, cette ouverture qui contrarie sa structure d’attente, aussi indéterminée soit-elle ? Ou doit-on penser son différentiel, tout contre l’événement, l’étonnement, l’admiration et l’altérité, selon une logique de différence ?
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